Suspensions

1030 mai 2024


Restitution publique
jeudi 30 mai – 19h
Studio de création du TnBA

Dominique Reymond comédienne

Travaillant à partir de deux œuvres théâtrales, La Ménagerie de verre de Tennesse Williams et Visites de Jon Fosse, les élèves explorent des relations familiales ambiguës et tortueuses. À travers l’observation assidue de vies ordinaires, Dominique Reymond accompagne ce stage pratique à la découverte des variations obsessionnelles de la langue, à l’épreuve de la mise en scène.


Pour la décrire il faudrait reprendre le principe du poème de François Villon qui accorde les contraires en une affirmation paradoxale (Je meurs de soif auprès de la fontaine...) : Dominique Reymond est incandescente et retenue, inquiète et lumineuse, courtoise et déchaînée, évidente et complexe, libre et dévouée, forte et vacillante, souveraine et pleine de doutes... On pourrait n’en jamais finir, au gré des infinies variations de son jeu. Chaque représentation est différente, réinventée dans une brûlure de première fois. Ce qui frappe peut-être plus encore, c’est la constance de son engagement, l’exactitude de son parcours en chaque interprétation, variable dans son cours, mais identique dans sa direction, sa couleur, sa sensibilité, dans son intelligence. Son travail ne se referme pas sur la forme trouvée, elle n’exécute pas son rôle : elle-même devient forme, et se lance dans la représentation comme dans une aventure de sa propre vie. Au demeurant, tout chez elle procède par élan. Un élan soigneusement préparé, écrit dans son corps par un long travail d’imprégnation et de lecture. Elle se mesure et s’accorde avec les muscles de l’écrit, les flux parcourant l’oeuvre, comme un nageur audacieux estime la force d’un torrent avant de s’y jeter. Il y a quelque chose d’athlétique dans la façon qu’a Dominique de se préparer au théâtre, d’y consacrer le tout de sa personne, corps et âme, de s’y risquer entièrement. C’est d’ailleurs ce qui donne à chacune de ses interprétations leur part d’inouï : son destin semble se jouer dans la courbe d’un geste, dans l’inflexion d’une réplique. Tout est grave et décisif, comme dans le jeu des enfants quand ils sont seuls. Pourtant, infiniment relative, elle dialogue avec ce qui l’entoure, êtres et choses, et fait théâtre de tout ce qui se propose à elle. Sans perdre sa densité, elle rayonne et relie.

Daniel Jeanneteau