Une absence de silence

« Au fond, vous êtes exactement comme les animaux, tous ces animaux que nous emprisonnons, que nous élevons, que nous protégeons, que nous mangeons. Vous aussi, vous êtes emprisonnée, élevée, éduquée, protégée. Et ni les animaux ni vous ne savez comment faire pour vous émanciper. » Olivia Rosenthal

Domestiqués. Nous avons toutes et tous renoncé à nos penchants d’animaux pour devenir des êtres civilisés. Au risque d’y perdre une part de nos instincts vitaux ? En s’emparant de cette question qui habite le roman d’Olivia Rosenthal, Que font les rennes après Noël ?, Mathieu Touzé, inventif directeur du Théâtre 14 à Paris, interroge les ressorts profonds de nos consciences et secoue les carcans sociaux. Sa pièce aborde en douceur ce lent dépouillement des couches sociales qui habillent et entravent.
Yuming Hey, lumineuse Herculine de Catherine Marnas, porte seul le texte, tour à tour, fille, garçon, femme libérée ou jeune fauve. Autour de lui, des présences aiguës rôdent : danseurs issus de la scène voguing – pratique émancipatrice de la communauté LGBT afro-américaine – mais aussi venus du contemporain et du hip-hop.
Ce ballet performatif en deux tableaux en appelle autant aux mariées frondeuses qu’aux meutes de lions, aux petites filles qu’aux femmes mûres. Il y a du solennel et de la légèreté, de l’intime et de l’humour cinglant. Et cette rencontre entre le texte d’Olivia Rosenthal et la danse permet une salvatrice tentative de reconnexion aux autres, mais aussi à soi. Tel·le que l’on pourrait être si on laissait tomber les masques sociaux.