Un sacre

Comédienne et metteuse en scène formée auprès de Thomas Ostermeier et de Romeo Castellucci, Lorraine de Sagazan fait un théâtre de haute tension à forte densité émotionnelle. Quand elle collabore avec l’auteur Guillaume Poix, leurs pièces écrites à quatre mains à partir de témoignages cherchent à frictionner réel et fiction. Parmi plus de 365 personnes interrogées sur l’écho que le mot « réparation » pouvait avoir dans leur vie, elle retient ici le récit de neuf d’entre elles. Chacune a évoqué une perte difficile. Avec le respect de la parole récoltée pour clef de voûte, la metteuse en scène alterne les registres, du lyrique au tragique, du trivial au burlesque, en passant par le politique.
Parce qu’un lieu nous manque, un endroit où les athées, ceux qui doutent, ne croient ou ne savent pas, peuvent évoquer la mort sans tabou, sans peur, sans récupération et sans préjugé, Lorraine de Sagazan l’invente au théâtre. Avec la chorégraphie mi-transe, mi-chamanique de Sylvère Lamotte, elle dessine dans l’intimité sidérante des paroles un spectacle-cérémonie pour célébrer les disparus, explorer le chagrin et conjurer nos peurs. Un sacre est à la fois un espoir fou, un choc, et la promesse tchekhovienne « d’enterrer les morts et de réparer les vivants ».