Abysses

Depuis Lampedusa, l’île italienne la plus proche des côtes tunisiennes et libyennes, Abysses témoigne des traversées tragiques en Méditerranée. Solal Bouloudnine – dont le TnBA présentait La fin du début la saison dernière – porte ce flot de mots qui s’abattent par vagues et rebondissent sur les chants siciliens de Claire Vailler, elle aussi au plateau. Recueillant des témoignages sur place, sans jamais détourner les yeux, le dramaturge italien Davide Enia fait face au drame comme le font tous les jours les marins de Lampedusa, les habitant·es, les médecins, qui n’ont pas d’autre choix. Son récit sans pathos et sensible raconte les corps que les pêcheurs remontent avec angoisse dans leur filet, ceux que le croque-mort repêche en plongeant, bouquet de menthe dans le nez, pour leur offrir coûte que coûte une sépulture, et ce vieil homme, sauveteur en mer un brin facho, qui éclate en sanglots au souvenir de ces vies fracassées. Dans sa quête sur l’île, Davide Enia embarque son père, un médecin taiseux, qui affronte de son côté la longue maladie de son frère, oncle volubile sur le point de mourir. Son récit se double alors d’une intime chronique de la filiation.
Alexandra Tobelaim avait déjà réuni ce dramaturge et ce comédien dans une pièce d’un tout autre genre, Italie-Brésil 3 à 2. À nouveau, le duo fonctionne à merveille dans ce face-à-face avec le réel mais surtout avec nous-mêmes, qui sonde les tréfonds de nos consciences.