Je meurs comme un pays

Une nation touche à sa fin, asphyxiée par sa propre histoire, broyée par une guerre millénaire. Sa structure sociale craque de toutes parts : exil des populations, défaillance de l’État, pourrissement de toutes les valeurs humaines, et, marque ultime de sa chute à venir, stérilité des femmes. Ce pourrait être il y a une éternité, ce pourrait être aujourd’hui.
Je meurs comme un pays fait de la guerre la gangrène absolue de notre histoire passée et future, non sans résonance avec notre monde actuel.
À sa sortie en 1978, le texte de Dimítris Dimitriádis faisait date par son écriture poétique, elliptique, brisée. Cyril Desclés, de la compagnie l’Embarcardère, l’empoigne avec ferveur dans une pièce en deux temps, où les spectateurs prennent place parmi un choeur de cinq femmes. À cette parole collective, voix impersonnelle d’une nation déboussolée, succède un cri lyrique, incarné. Celui d’une femme qui se bat pour se défaire d’un corps social déliquescent, qui hurle son dégoût autant que sa soif de résistance.
Pour écrire cette pièce, le dramaturge grec – traducteur entre autres de Maurice Blanchot –, s’est inspiré de l’épisode de la peste de la Guerre du Péloponnèse, écrit au ve siècle avant J.-C. par Thucydide. Une subtile tragédie d’un monde au bord du gouffre, sur le fil d’une écriture du désastre.